Le Quitus au Syndic

C'est pas automatique !
A lire certains commentaires de blogs et de forums, donner ou non quitus au syndic relève du choix Shakespearien. Entre méfiance et sentiment d’obligation, certains copropriétaires ne sont pas très à l’aise avec cette question et pourtant la législation ou plutôt l’absence de législation en la matière, rend les choses en principe plutôt simple.
Lire la suite
Jeune homme avec un crâne, peinture de Frans Hal, 1926.

Quitus ou pas Quitus ? Telle est la question…

Dans la pratique le quitus étant avant tout un usage, cela s’avère plus complexe que cela ne devrait l’être. Alors quitus ou pas quitus ? Telle est la question.

Que signifie « donner quitus » à son syndic de copropriété ?

Le quitus au syndic, appelé également quitus de copropriété est une décision prise par les copropriétaires d’un immeuble lors de l’Assemblé Générale Annuelle, ratifiant ainsi la gestion de l’immeuble par le syndic de copropriété. Cette décision est loin d’être une formalité et les copropriétaires ne devraient pas « donner quitus », comme le veut l’expression consacrée, sans un examen minutieux des actes de gestion portés à leurs connaissances.

En effet, tenir pour quitte de ses obligations le syndic mandataire de la gestion de l’immeuble a une conséquence majeure pour le mandant du quitus (le syndicat des copropriétaires), dans la mesure où cette décision favorable libère le syndic de toute responsabilité et prive ainsi les copropriétaires d’une possibilité de recours en justice en cas de litige ultérieur.

Les limites du quitus

Avant de s’interroger sur le bien fondé de donner ou non quitus au syndic, rappelons que celui-ci comporte des limites :

  • Un syndicat de copropriétaires ne donne quitus à son syndic que pour les actes portés à sa connaissance. Ainsi, le syndic de copropriété restera légalement responsable en cas de litige sur des faits ou actes de gestions qu’il aurait omis ou négligé de porter à la connaissance de ses clients. Soyez prudent avant d’invoquer cet argument en cas de litige, car même si la jurisprudence joue en votre faveur, la notion de connaissance implicite pourra vous être opposée.
  • Les copropriétaires ont la possibilité de donner quitus avec réserve à leur syndic de copropriété. Cette décision établit que les copropriétaires ne sont pas entièrement satisfaits avec la gestion de l’immeuble et qu’ils n’accordent pas au syndic une décharge complète de responsabilité. Encore une fois, prudence ; cette décision devra être minutieusement documentée et l’acte de délibération doit faire état des points sur lesquels le syndicat des copropriétaires n’est pas satisfait ou est en désaccord avec le syndic. Pour tout ce qui ne figurerait pas dans l’acte de délibération, le syndic se verrait, de fait, exonéré de toute responsabilité.

Séparer l’approbation des comptes et le quitus

L’assemblée générale annuelle est l’occasion pour le syndic de faire voter l’approbation des comptes de gestion de la copropriété préalablement présentés aux copropriétaires. Certains copropriétaires sont dans la fausse impression que ce vote et la décision de donner ou non quitus sont liés, ce qui est absolument faux !

  1. Le quitus au syndic est une décision portant sur la gestion administrative et juridique de l’immeuble,
  2. l’approbation des comptes ne porte que sur le volet financier de la gestion de l’immeuble par le syndic.

En aucun cas, l’approbation ne devrait induire que le syndicat des copropriétaires devrait nécessairement se prononcer en faveur du quitus au syndic. On peut tout à fait être d’accord sur la gestion des dépenses et accepter une régularisation de charge, et émettre des réserves voire être en désaccord total sur la gestion des sinistres, les contrats d’entretien, ou tout autre procédure engagée dans l’année.

Je vous conseille la lecture de cet article où il est fait état d’une exemple très intéressant :

La Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 29 mars 2001, en prononçant la nullité de l’approbation des comptes a également considéré que les copropriétaires ne disposaient pas de suffisamment d’information sur les comptes pour donner valablement quitus de sa gestion au syndic.

Le quitus au syndic, un non-sens ?

Depuis quelques années, on voit fleurir sur le web des positions assez drastiques sur le sujet. De nombreuses associations et notamment l’Association des Responsables de Copropriétés, appellent les copropriétaires à systématiquement refuser de donner quitus à leur syndic. Cette prise de position n’est pas le fruit d’une méfiance ou un désaveu des syndics mais simplement l’expression d’une volonté de permettre aux propriétaires de faire valoir pleinement leurs droits.

Aucune obligation légale

En effet, il n’y a légalement aucune obligation à faire voter le quitus, cette décision relève bien plus de l’usage que du droit.

Refuser le quitus ne veut pas dire remercier son syndic

Encore une fois, outre l’exonération de responsabilité, le quitus n’a aucune conséquence sur la relation que vous entretenez avec votre syndic, ou du moins ne devrait pas en avoir. Dès lors qu’il ne s’agit ici que d’un usage, vous pouvez tout à fait faire comprendre à votre syndic que ce refus systématique de donner quitus est uniquement justifié par le fait de vouloir faire valoir vos droits totalement. Cette prise de position pourrait au final être bénéfique dans votre relation avec le syndic et pourrait l’amener s’il souhaite conserver son mandat, à faire preuve de plus de transparence et de rigueur dans la gestion de votre immeuble. On pourrait pousser la réflexion encore plus loin et faire de ce renoncement au quitus, un critère de sélection pour votre prochain syndic.

Les syndics n’ont pas besoin du quitus

Dans la mesure où les syndics sont tenus de souscrire à une assurance de responsabilité civile professionnelle, on comprend aisément les positions en faveur d’un refus systématique. Pourquoi chercher à se décharger d’une responsabilité pour laquelle un syndic serait quoi qu’il arrive assuré ? A moins de faire face à des personnes peu scrupuleuses et aux pratiques frauduleuses, difficile de comprendre ce qui motive tant ce besoin de ne plus être tenu pour responsable. Si votre boucher tenait à vous faire signer une décharge de responsabilité en cas d’intoxication alimentaire, vous le mangeriez son rôti ? Pas sûr…

Conclusion : Question de bon sens !

Sommes toutes, et comme le regrette l’ARC dans sa réponse à Maître Leballeux, refuser de donner quitus est plus une histoire de bon sens et de prudence et non pas de méfiance face à l’éventuelle dangerosité de cette décision.

Si le quitus est un usage que l’on pourrait qualifier d’archaïque, méfions-nous néanmoins et ne nous hâtons pas dans son rejet systématique. Pour certaines Compagnies d’assurance c’est encore un dispositif important qui pourrait conditionner le montant de votre prime d’assurance immeuble.

On pourrait déplorer que la loi Alur n’ait pas simplement mis un terme à cette pratique au profit de mesures plus en phase avec notre époque, comme l’obligation des syndics à fournir un rapport morale et financier complet par exemple. Mais en attendant ces évolutions en matière de droit et d’usage, mieux vaut-il encore évaluer cette question au cas par cas et pourquoi pas, interroger les syndics et les Compagnies d’assurance sur leur position à ce sujet avant de s’engager dans un mandat de gestion d’immeuble. Dans tous les cas, souvenez-vous que le quitus au syndic, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique 🙂

Nous utilisons Google Analytics

Merci de confirmer que vous acceptez le tracking Google Analytics. Vous pouvez refuser et continuer à visiter notre site sans qu'aucune de vos données de navigation ne soit envoyée à Google Analytics. Vous pouvez en savoir plus sur notre politique de confidentialité, si vous le souhaitez.